Juillet 2025
Adam Ditkofsky, gestionnaire de portefeuille principal, Titres à revenu fixe
Modérateur/modératrice : Adam, vous avez récemment commencé une conférence téléphonique en disant que 2025 est l’une des années les plus intéressantes que vous ayez connues depuis longtemps. Qu’est-ce qui rend cette année si inhabituelle?
Adam : La remarquable convergence des chocs macroéconomiques. Les tarifs douaniers sont de retour, les tensions géopolitiques s’intensifient et le président Trump est lui aussi de retour; tout cela amplifie le bruit médiatique et la volatilité. Pourtant, sous ce bruit, il existe une divergence réelle dans les données entre ce que j’appelle les signaux « subjectifs » et les signaux « objectifs ». Les indicateurs « subjectifs », comme les sondages et la confiance, se sont effondrés presque immédiatement après la parution des manchettes sur les tarifs douaniers, alors que les données objectives, comme les ventes au détail et l’emploi aux États-Unis, sont restées étonnamment résilientes. Cette divergence est inhabituelle et force les investisseurs à creuser plus loin que les gros titres avant de prendre des décisions de répartition.
Modérateur/modératrice : Faisons la distinction entre la situation des États-Unis et celle du Canada. Comment évalueriez-vous l’économie américaine à l’heure actuelle?
Adam : Les États-Unis semblent encore solides. Le consommateur américain ne montre que de modestes signes d’essoufflement, voire aucun; par exemple, les ventes au détail de juin ont été supérieures aux prévisions. Les indicateurs objectifs n’ont pas changé. Nous commençons tout juste à voir la première véritable augmentation des recettes tarifaires, de sorte que les répercussions sur les marges des sociétés sont toujours en train de prendre forme. La croissance pourrait-elle fléchir? Oui, mais ce serait à partir d’une position de vigueur relative. C’est pourquoi le marché ne prend en compte qu’une ou deux réductions de la Fed pour le second semestre de 2025, même si nous prévoyons être plus près de 100 points de base au cours des 12 prochains mois.
Modérateur/modératrice : Comparez cela au Canada – le ton y est plus prudent.
Adam : Beaucoup plus. J’ai signalé trois sources de tension :
1. Chômage : Au Canada, le taux de chômage a grimpé à environ 7 % et continue d’augmenter, même après la publication récente du rapport « positif » sur l’emploi. La plupart des gains d’emplois ont été des postes à temps partiel. Comme il y a environ trois chercheurs d’emploi pour chaque poste disponible, la surcapacité persistante sur le marché du travail reste une préoccupation économique majeure, et pourrait inciter la Banque du Canada à réduire davantage ses taux.
2. Commerce de marchandises : Les tarifs douaniers ont déclenché ce que j’appellerais un effondrement de notre balance commerciale avec les États-Unis. Deux mois consécutifs de déficits records laissent croire que le Canada est actuellement, à la limite, plus un pays importateur qu’un pays exportateur. Si cette tendance ne s’inverse pas, elle constituera un frein durable pour l’économie.
3. Immobilier : Ce n’est pas un krach, mais la stagnation des prix n’offre pas l’effet de richesse sur lequel comptent les Canadiens – n’oubliez pas qu’environ 40 % de la richesse moyenne des ménages est liée au logement, et c’est encore plus pour les groupes à faible revenu.
En combinant ces éléments, on obtient un risque de récession plus élevé; nous avons d’ailleurs estimé sa probabilité à 35 % dans nos prévisions du 2e trimestre.
Modérateur/modératrice : Dans ce contexte, à quoi vous attendez-vous de la part de la Banque du Canada (BdC) par rapport à la Fed?
Adam : La BdC est actuellement en pause. Les marchés sont revenus sur l’idée de réductions supplémentaires parce que l’inflation est maîtrisée et que le plus récent rapport sur l’emploi leur a donné du temps. Mais l’inflation globale étant inférieure à 2 % et la croissance réelle oscillant, je pense que la banque devra mettre en œuvre un assouplissement, et pas nécessairement de façon linéaire.
Aux États-Unis, nous prévoyons deux réductions formelles, mais nous pensons qu’un point de pourcentage complet d’assouplissement au cours des 12 prochains mois est plausible, surtout une fois que le président Trump aura nommé un nouveau président de la Fed, après la fin du mandat de Jerome Powell en mai. Bref, Le Canada fait une pause, puis des réductions; les États-Unis réduisent les taux de façon plus régulière, quoiqu’à partir d’un niveau initial plus élevé.
Modérateur/modératrice : Comment la forme de la courbe de rendement oriente-t-elle votre stratégie obligataire?
Adam : L’inversion qui dominait 2023 et le début de 2024 a disparu. Nous sommes revenus à une courbe ascendante normale, ce qui signifie que les investisseurs sont finalement rémunérés en fonction du prolongement de la duration. Les obligations du Canada à cinq ans offrent une rémunération meilleure que celle des obligations à deux ans; celles à sept ans et à dix ans ont une rémunération encore plus attrayante. Cette réaccentuation ouvre la porte à deux occasions :
- Une mauvaise évaluation du segment à court terme : Les marchés n’excluent pas entièrement la probabilité d’une réduction des taux, de sorte que les taux à l’intérieur de cinq ans semblent de 15 à 30 pb trop élevés selon nos estimations.
- Une prime de duration : Puisque la courbe est plus prononcée, l’ajout de duration stimule non seulement le rendement, mais entraîne aussi une appréciation du capital si les banques centrales assouplissent en effet leur politique.
Modérateur/modératrice : Certains investisseurs perçoivent toujours la duration comme l’ennemi après 2022. Cette crainte est-elle aujourd’hui injustifiée?
Adam : Tout à fait. En 2022, nous étions confrontés à une inflation de 8 % à 9 % et à des taux directeurs nuls – les obligations ne pouvaient pas rivaliser. Aujourd’hui, l’inflation globale est inférieure à 2 % au Canada et d’environ 3 % aux États-Unis. Les taux des obligations d’État à 10 ans sont d’environ 3,5 % au Canada et de 4,25 % aux États-Unis. Les obligations génèrent de nouveau des rendements réels. Comme les taux directeurs devraient baisser, détenir de la duration n’est plus une opération à risque élevé; c’est une protection contre un ralentissement économique ou une baisse des actions.
Modérateur/modératrice : Les écarts de taux se sont resserrés. Comment équilibrez-vous la remontée des rendements et le risque de valorisation?
Adam : Nous sommes résolument défensifs en matière de positions acheteur sur titres de créance, mais l’offre est limitée, ce qui explique les bonnes performances des écarts de crédit sur les obligations de sociétés à long terme. Les valorisations nous semblent toutefois élevées. Dans l’ensemble de nos portefeuilles, nous sous-pondérons les obligations de sociétés à long terme et privilégions les placements de première qualité du segment à court terme ou les actifs à taux variable comme les tranches de TCAP intégrés au Fonds de revenu avantage CIBC Une nouvelle fenêtre s’affichera.. Vous profitez toujours de l’écart, mais vous êtes exposés à une augmentation des taux d’intérêt.
Modérateur/modératrice : Vous avez participé à la conception du Fonds d’obligations de première qualité 2025 CIBCUne nouvelle fenêtre s’affichera.. Puisque ses obligations se renouvellent à la valeur nominale, que devraient faire les conseillers avec le capital arrivant à échéance?
Adam : Première étape : clarifier l’horizon de placement du client. S’il a une responsabilité connue en 2026 ou 2027 – frais de scolarité, achat d’un chalet –, alors l’échelonnement dans les fonds à échéance cible 2026 ou 2027 est logique. Vous conservez la certitude, évitez le risque de réinvestissement et profitez d’environ 3,8 % à 4,1 % sur une base d’équivalent CPG. Si l’argent est vraiment investi à long terme, je me tournerais vers nos solutions à gestion active perpétuelles, comme le Fonds obligataire canadien CIBC. Ou les Fonds communs de titres à revenu fixe CIBC Une nouvelle fenêtre s’affichera.. Ils combinent des rendements supérieurs d’environ 4,5 % et une duration avantageuse lorsque les taux baissent.
Modérateur/modératrice : Pour les conseillers ayant des liquidités libellées en dollar américain, la stratégie est-elle différente?
Adam : Oui, le calcul change, car les fonds de première qualité à court terme américains non couverts offrent toujours un rendement supérieur à 6 %. Si le client a des passifs naturels en dollar américain – taxes foncières en Floride, frais de scolarité dans une école américaine – il peut être attrayant de mettre de l’argent de côté dans un Fonds d’obligations américaines de première qualité. Vous éviterez les coûts de couverture et obtiendrez une prime de rendement importante. Cependant, le même risque de réinvestissement s’applique : ces rendements se resserreront si la Fed réduit ses taux; il est donc préférable de bloquer les obligations arrivant à échéance en 2027 plutôt que de renouveler indéfiniment les bons du Trésor à trois mois.
Modérateur/modératrice : Terminons sur la gestion du risque. Qu’est-ce qui vous empêche de dormir?
Adam : Deux risques extrêmes. Premièrement, une erreur de politique : si les tarifs douaniers deviennent une guerre commerciale plus vaste, l’inflation pourrait bondir même si la croissance ralentit, poussant les banques centrales dans une situation délicate. Deuxièmement, la complaisance à l’égard du crédit : l’effet de levier semble adapté aux écarts de taux actuels, mais si les marges se compriment à cause des tarifs douaniers ou d’un affaiblissement de la demande, les décotes pourraient connaître un effet en cascade. C’est pourquoi les critères de liquidité et de qualité sont stricts dans nos portefeuilles. La bonne nouvelle, c’est que le marché obligataire vous rémunère maintenant pour la prise d’un risque mesuré de duration, de sorte que vous n’avez plus à étirer le dernier sou de crédit pour atteindre les cibles de revenu des clients.
Modérateur/modératrice : Et la plus grande occasion?
Adam : C’est exactement l’inverse : il faut bloquer les taux à moyen terme avant que le cycle d’assouplissement ne prenne effet. Nous n’avons pas vu de fonds obligataires offrant des rendements supérieurs à 4,5 % pendant la majeure partie de la dernière décennie. Les investisseurs peuvent obtenir des taux des obligations gouvernementales « sans risque » plus élevés dès aujourd’hui et profiter potentiellement de gains en capital lorsque la Banque du Canada et la Fed abaisseront éventuellement leurs taux directeurs. Le capital de fonds arrivant à échéance en 2025 offre une occasion opportune de profiter de cette fenêtre.
Modérateur/modératrice : Adam, comme toujours, cela a été très instructif. Merci pour ces explications.
Adam : Je vous en prie. C’est toujours un plaisir de discuter des marchés.