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BITCOIN : VÉRITABLE DEVISE OU PLACEMENT SPÉCULATIF?
PLACEMENT

Le Bitcoin et l’incertitude quant à sa viabilité en tant que placement font actuellement beaucoup parler d’eux. Découvrez que ce nos gestionnaires de devises en pensent.
Luc de la Durantaye, Directeur gestionnaire, Répartition de l'actif et gestion des devises Gestion d'actifs CIBC
Bitcoin : « Type de devise numérique dans laquelle des techniques de chiffrement sont utilisées pour réglementer la production d’unités monétaires et vérifier le transfert de fonds, et qui fonctionne indépendamment de toute banque centrale.1 »
Le bitcoin est une cryptomonnaie qui utilise une chaîne de blocs pour enregistrer et vérifier les opérations.
Pensez à une chaîne de blocs comme une base de données ou un registre comptable numérique. Le logiciel Bitcoin a été lancé au début de 2009 par un mystérieux créateur se faisant appeler Satoshi Nakamoto.
La chaîne de blocs est décentralisée, fonctionne dans un cadre pair-à-pair et n’est assujettie à aucun contrôle central ni à aucune autorité gouvernementale. Dès lors qu’une opération est enregistrée, il est pratiquement impossible de la supprimer ou de la modifier rétroactivement.
Mettons de côté pour l’instant les nombreuses questions pratiques qui surgissent quand on parle du bitcoin, comme :
- D’où viennent les nouveaux bitcoins?
- Où puis-je acheter un bitcoin?
- Puis-je perdre un bitcoin ou me le faire voler?
- Les bitcoins peuvent-ils être contrefaits?
- Que puis-je acheter avec des bitcoins?
C’est un sujet complexe, mais d’actualité. En tant que gestionnaires de devises, voici quelques-unes de nos réflexions initiales au sujet du bitcoin.
Au moment d’évaluer le potentiel du bitcoin en tant que devise, il est utile de se rappeler certaines des fonctions traditionnelles des devises :
Réserve de valeur : Le bitcoin existe depuis très peu de temps. De ce fait, il est difficile d’évaluer la solidité de son architecture ou sa capacité d’agir comme une réserve de valeur à long terme, car il n’a pas vraiment été mis à l’épreuve. Même s’il a gagné beaucoup de terrain depuis sa création et monté en flèche au cours des derniers mois, le bitcoin demeure très risqué.
En théorie, n’importe qui pourrait lancer une cryptomonnaie ou une nouvelle technologie en concurrence avec le bitcoin, susceptible de provoquer son obsolescence ou celle de la chaîne de blocs. Il existe d’autres cryptomonnaies (Ether, Monero et Bitcoin Cash). Mais le bitcoin demeure la plus populaire pour le moment. Les États souverains tenteront peut-être d’imposer l’interdiction d’utiliser des cryptomonnaies comme moyen de préserver leur propre monopole de l’émission de monnaie fiduciaire2 et leur privilège de seigneuriage ainsi que les avantages qu’il comporte.
Moyen d’échange : Le bitcoin ne sert pas vraiment de moyen d’échange pour l’instant. Contrairement à celle des autres devises principales, la valeur du bitcoin est extrêmement volatile (et par conséquent, très imprévisible). Cela qui rend très risquée son utilisation comme réserve de valeur pour l’achat futur de biens et de services. Bien que le bitcoin ait effectué une remontée impressionnante en 2017, il a aussi fait l’objet de plusieurs corrections de plus de 30 %. Le bitcoin est tellement volatil que récemment, le magazine Fortune a publié un article intitulé 5 Big Bitcoin Crashes: What We Learned (les cinq graves crises du bitcoin : ce que nous avons appris). Les cinq krachs du bitcoin dont il est question dans l’article ont eu lieu depuis 2013!
Tant qu’il ne sera pas plus stable et que son utilisation ne sera pas plus pratique et plus généralisée, le bitcoin ne sera pas considéré comme un moyen d’échange fiable. Toutefois, nous avons déjà vu d’autres technologies révolutionnaires modifier rapidement le paysage après avoir atteint la « masse critique » (p. ex., l’utilisation d’Uber au lieu de prendre un taxi, la musique en continu ou en téléchargement au lieu de l’achat de CD).
Instrument de politique monétaire : Le bitcoin n’est pas émis par un gouvernement. Il n’existe aucune donnée sur l’inflation ou sur la balance commerciale ni aucun autre facteur économique fondamental s’y rattachant sur lequel on pourrait baser la valeur de la devise. Il est difficile pour quiconque (y compris pour nous) de calculer la juste valeur et de déterminer si la devise est sous-évaluée ou surévaluée. Les possesseurs de bitcoin ne reçoivent aucun paiement d’intérêts, ce qui le rend plus cher à détenir comparativement aux nombreuses devises qui paient un taux d’intérêt. La difficulté à établir la juste valeur du bitcoin augmente l’incertitude quant à son prix et s’est traduite par la forte volatilité des prix observée depuis sa création.
En raison de son caractère distinctif par rapport aux devises traditionnelles, le bitcoin ne cadre pas bien avec notre processus de placement, qui repose sur les données fondamentales. Toutefois, la récente introduction par le Chicago Mercantile Exchange de contrats à terme sur bitcoins pourrait aider cette cryptomonnaie devenir plus largement acceptée dans la communauté financière. Grâce aux contrats à terme, les banques peuvent « miser » sur le prix du bitcoin sans détenir les bitcoins sous-jacents. Cela pourrait attirer sur le marché des acteurs nouveaux ou différents, qui n’ont pas envie de composer avec les complications liées à la possession de bitcoins. Par contre, le contrat à terme permettra aussi aux investisseurs de vendre à découvert les bitcoins (de parier que le prix va baisser), ce qui pouvait difficilement être fait auparavant. Certains analystes pensent que cela pourrait en fin de compte exercer une pression à la baisse sur les prix.
Le plus gros défaut que nous pouvons observer concernant le bitcoin (et toutes les autres cryptomonnaies), c’est l’absence d’une « caution » d’envergure stable. Les principales monnaies fiduciaires, comme le dollar américain ou le dollar canadien, sont soutenues par un gouvernement qui appuie leur utilisation comme seul moyen d’échange du pays. Les cryptomonnaies souffrent de l’absence d’un promoteur principal fiable pour appuyer et élargir leur utilisation comme moyen d’échange.
En tant que gestionnaires de devises, nous restons à l’écart pour le moment, mais continuons d’évaluer l’évolution de la situation dans le monde des cryptomonnaies. À ce stade, le bitcoin ressemble davantage à un phénomène spéculatif qu’à une réelle occasion de placement en devises. Cependant, nous gardons l’esprit ouvert. Des forces perturbatrices continuent de se manifester dans la politique mondiale, chez les entreprises, dans les médias et dans l’ensemble de la société. Il y a un an, l’élection américaine a prouvé que « l’impossible » peut se produire. Nous vivons une époque mouvementée.
Sources
1 Traduction libre. Oxford DictionariesUne nouvelle fenêtre s'affichera dans votre navigateur. (en anglais).
2 Une monnaie fiduciaire est une devise qu’un gouvernement a déclaré avoir cours légal, mais qui n’est pas soutenue par une marchandise physique. Par exemple, les dollars canadien et américain, l’euro et le yen japonais sont des monnaies fiduciaires.

